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De
la satisfaction de soi-même
« La
satisfaction, qu’ont toujours ceux qui suivent constamment la vertu, est
une habitude en leur âme qui se nomme tranquillité et repos
de conscience. Mais celle qu’on acquiert de nouveau, lorsqu’on a fraîchement
fait quelque action qu’on pense bonne, est une passion, à savoir
une espèce de joie, laquelle je crois être la plus douce
de toutes, parce que sa cause ne dépend que de nous-mêmes.
Toutefois lorsque cette cause n’est pas juste, c’est-à-dire lorsque
les actions dont on tire beaucoup de satisfaction ne sont pas de grande
importance, ou même qu’elles sont vicieuses, elle est ridicule,
et ne sert qu’à produire un orgueil et une arrogance impertinente.
Ce qu’on peut particulièrement remarquer en ceux qui, croyant être
dévots, sont seulement bigots et superstitieux, c’est-à-dire
qui sous ombre qu’ils vont souvent à l’église, qu’ils récitent
force prières, qu’ils portent les cheveux courts, qu’ils jeûnent,
qu’ils donnent l’aumône, pensent être entièrement parfaits,
et s’imaginent qu’ils sont si grands amis de Dieu, qu’ils ne sauraient
rien faire qui lui déplaise, et que tout ce que leur dicte leur
passion est un bon zèle ; bien qu’elle leur dicte quelquefois
les plus grands crimes qui puissent être commis par des hommes,
comme de trahir des villes, de tuer des princes, d’exterminer des peuples
entiers, pour cela seul qu’ils ne suivent pas leurs opinions. »
Les
Passions de l'âme, Article
190.
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